04/11/2008
L'hormonothérapie du cancer localisé de la prostate n'améliore pas la survie et a des effets secondaires importants
Claude Béraud est professeur d’hématologie et membre du Conseil scientifique de la Mutualité française. Sur son blog, il aborde divers sujets relevant de la pratique clinique. Au mois de juillet 2008, il rend compte d’une grande étude observationnelle ayant pour objectif de voir si l’hormonothérapie – le traitement par agonistes GnRH de type Enantone, Decapeptyl, Zoladex, Bigoniste - améliore les chances de survie des hommes âgés souffrant d’un cancer de la prostate localisé. Non seulement ce n'est pas le cas, mais en plus, les effets indésirables de l'acétate de leuproréline [Enantone, Viadur, Eligard....], de la triptoréline [Decapeptyl, Gonapeptyl, Diphereline, Trelstar], de la nafaréline [Zoladex], de la goséréline [Synarel] et des autres diminuent fortement la qualité de vie des malades et peuvent être sévères: diabète, crise cardiaque, etc.
Nous citons ici le texte intégral tel qu’il figure sur le blog du Pr Béraud. Il vaut le détour !
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Le traitement hormonal du cancer localisé de la prostate n’améliore pas la survie
« La très grande majorité des cancers de la prostate (85%) sont découverts chez des hommes de plus de 65 ans à un stade localisé (T1 ouT2). Divers traitements ont été proposés notamment la chirurgie ou la radiothérapie mais aussi la simple surveillance, éventuellement suivie d’une intervention si des complications apparaissent. Une thérapeutique hormonale [par agonistes de la GnRH] semble dans une nouvelle étude sans utilité pour ces malades.
Pourtant cette thérapeutique est probablement largement prescrite aux malades qui n’ont pas choisi le traitement chirurgical ou radiothérapique. Les bénéfices de cette prescription sont mal connus. Par contre les risque du traitement sont fréquents et parfois graves : fractures, diabète, infarctus du myocarde prise de poids, gynécomastie, bouffées de chaleur, impuissance. Une étude observationnelle vient d’être publiée pour évaluer les bénéfices sur l’espérance de vie de ce traitement hormonal dans les cancers localisés.[1].
Les malades sélectionnés au nombre de 19271 avaient un âge médian de 77 ans. Aucun , par définition, n’avait bénéficié d’un traitement chirurgical ou radiothérapique. Les données sur leur état de santé, venant de leur service d’assurance maladie (Medicare), étaient très détaillées et permettaient une connaissance approfondie des facteurs habituels de confusion observés dans les études observationnelles.
Parmi ces 19271 malades atteints d’un cancer localisé : 7867 ( 41%) avaient reçu un traitement à visée hormonale soit une orchidectomie soit un agoniste de la LHRH ( Luteinizing Hormone Releasing Hormone [appelés aussi agonistes de la GnRH : gonadotrophin-releasing hormone]). Le diagnostic avait été porté entre 1992 et 2002 et le suivi médian de la survie était de 81 mois.
Les sujets ayant reçu un traitement hormonal ont été comparés à ceux qui n’avaient pas reçu de traitement. Les deux groupes différaient dans certaines de leurs caractéristiques notamment les sujets sans traitement avaient un taux de cancers bien différentiés plus important et un taux de cancers pauvrement différentiés plus faible.
Ces données constituaient un biais attendu par les auteurs car la décision de traiter ou non dépend du choix des patients mais également de l’opinion des médecins qui ont tendance à ne pas traiter les sujets dont les biopsies montrent une tumeur bien différentiée d’un meilleur pronostic.
La mortalité globale et celle liée spécifiquement au cancer étaient les deux critères étudiés.
Les covariables enregistrées étaient très nombreuses et couvraient les modes de vie, l’habitat les caractéristiques histologiques de la tumeur, son stage et le score de Gleason.
Une méthodologie connue des épidémiologistes, depuis plusieurs années, mais encore peu employée l’Instrumental Variable Analysis (IVA), fut utilisée en complément des techniques habituelles de régression afin de minimiser les biais cachés inhérents à toutes les études qui ne sont pas randomisées (cf. encadré)
Durant le suivi, allant de 1999- 2002 à décembre 2006 pour toutes les causes de mortalité et au 01 janvier 2005 pour la mortalité liée au cancer, furent observées, chez les 19271 malades, 1560 décès par cancer de la prostate et 11045 décès liés à l’ensemble des causes.
Lors d’une analyse statistique classique (modèle de Cox), les auteurs constatèrent une survie diminuée en raison d’une plus grande mortalité par cancer ou par une autre cause chez les sujets ayant reçu un traitement à visée hormonale.
Lorsque l’IVA fut utilisée une faible augmentation de la mortalité par cancer persistait mais la durée totale de survie n’était pas modifiée (82 mois). Qui plus est chez les hommes dont les cancers étaient à bas risque, en raison d’une forte différentiation histologique de la tumeur, le traitement hormonal diminuait la survie. Pour expliquer cette constatation les auteurs évoquent la possibilité du développement des cellules les moins différentiées de la tumeur sous l’influence du traitement hormonal.
Les études comparant le traitement hormonal à un traitement conservateur consistant à surveiller le patient et à intervenir en cas de complication sont peu nombreuses souvent non comparatives et ont un suivi limité dans le temps. Une étude randomisée utilisant un anti-androgène (le bicalutamide [Casodex]) conclut à une diminution de la survie chez les malades traités. D’autres études vont dans le même sens : le traitement hormonal n’apporte pas un réel bénéfice sauf peut être dans les groupes de sujets à haut risque.
Conclusion
Les sujets âgés, atteints d’un cancer localisé de la prostate, auxquels est prescrit un traitement hormonal, ne tirent aucune utilité de ce traitement mais doivent en subir les effets indésirables. Compte tenu d’un rapport bénéfices/risques manifestement défavorable, sachant aussi le coût économique d’un traitement dont les prescriptions semblent plus nombreuses ces dernières années, il est raisonnable chez les hommes âgés de plus de 70 ans atteints d’une cancer localisé de la prostate de ne pas le prescrire l. Cette position rejoint la récente recommandation scientifique du National Institute for Health and Clinical Excellence [2] qui conseille ce traitement comme un adjuvant à la radiothérapie pendant un minimum de deux ans chez des malades dont le score de Gleason est égal ou supérieur à 8, et de ne pas le prescrire après prostatectomie. »
[Suit une analyse des études observationnelles, que vous pouvez lire sur le site original]
Notes
- [1] Lu Yao G L. and al Survival following primary androgen deprivation therapy among men with localised prostate cancer. JAMA 2008 ; 3000 : 173-181
- [2] NICE Prostate cancer Clinical Guide 58 ; 27 february 2008
- [3] Hernan M A and al Instruments for causal inférence : an epidemiologist’s dream Epidemiology 2006 ; 17 : 360-372.
- [4] Bratman L E. Rare outcomes, common treatments : analytic strategies using propensity scores Ann Intern Med. 2002 ; 137 : 693-696
- [5] Stukel TA.Analysis of observational studies in the presence of selections bias. Effects of invasive cardiac management on AMI survival using propensity score and instrumental variable methods. JAMA 2007 ;297 :278-285
23:48 Publié dans Etude risques hormonothérapie en cancer prostate, Hormonothérapie inutile cancer prostate localisé | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : enantone cancer prostate, hormonothérapie survie, cancer prostate localisé traitement, cancer prostate testostérone, surdiagnostic cancer, enantone effets indésirables, leuproréline cancer, cancer hormonodépendant, enantone mortalité, enantone effets cardiovasculaires, enantone diabète, enantone obésité, enantone neuropathie, enantone dépression, enantone infarctus, enantone mort subite, dépistage cancer prostate
07/01/2008
I. Lettre aux autorités sanitaires: effets secondaires d'Enantone et Cie
Cette lettre a été adressée fin juin 2007 par la présidente de l’« Association Victimes Enantone – agonistes GnRH » au Pr Laurent DEGOS, président de la Haute Autorité de Santé (HAS) et au Pr Jacques CARON, président de la Commission Nationale de Pharmacovigilance (partie de l’agence de sécurité sanitaire : AFSSAPS). Le résultat a été une réunion à l’AFSSAPS le 11 septembre 2007, en présence de plusieurs responsables, dont le Pr CARON et le Dr Anne CASTOT (chef du Département Risques, bon usage et information). Le Dr Castot s’est montrée très diplomate, ce qui n’engage à rien, n’est-ce pas ? Et on attend toujours les actes, les mesures concrètes, l’alerte sanitaire, un usage rationnel des analogues agonistes GnRH. Affaire à suivre... Voici la première partie de la lettre :
Monsieur le Professeur,
En ma qualité de présidente de l'Association Victimes Enantone – agonistes GnRH, je vous prie de bien vouloir me donner un rendez-vous qui me permettra d'évoquer en détail les effets secondaires des analogues agonistes GnRH, l’abus de prescription, les doutes quant à leur réelle utilité [dans certaines indications], surtout compte tenu du rapport déséquilibré entre bénéfices et risques. Mais je souhaite aussi attirer votre attention sur le non respect des droits des victimes.
Il est grand temps de mettre un terme à la désinformation que subissent médecins et patients français sur cette classe de médicaments, alors même que les informations médicales internationales (études, données de pharmacovigilance, RCP établis par les laboratoires eux-mêmes) sont on ne peut plus clairs à ce sujet.
Les problèmes qui se posent sont de plusieurs ordres, à commencer par le scandale de l'absence quasi totale d'informations en français et de l'abîme existant entre le RCP français des agonistes d'une part, et les RCP des mêmes produits, faits par les mêmes laboratoires, dans d'autres pays médicalement civilisés. Quelle logique peut expliquer que ce qui est toxique en Allemagne ou au Canada ne l'est pas en France? Le silence est-il volontaire? Ou alors, si les autorités sanitaires sont au courant, quelle éthique – et quelle déontologie - justifient la désinformation?
Voici quelques grandes lignes des problèmes que pose l'actuelle désinformation, menant – logiquement - à une prescription massive et sans discernement des agonistes GnRH, perçus comme parfaitement inoffensifs, puisque ne provoquant que des bouffées de chaleur, et encore...
· méconnaissance de nombreux effets secondaires et surtout de l'existence d'effets secondaires très graves et / ou irréversibles;
· déni (par les médecins) de ces effets secondaires quand ils ont lieu, par manque d'information leur permettant de lier tel symptôme à un agoniste;
· méconnaissance du mode d'action précis (qui ne touche pas seulement l'axe hypothalamo – hypophysaire – ovarien / testiculaire, loin de là) et des fonctions de la GnRH, qui, en plus d'être une libérine hypothalamique, est aussi un neurotransmetteur du système nerveux autonome, présent dans les ganglions sympathiques et parasympathiques, utilisé par les petites fibres C, produit par certaines lymphocytes pour leur propre fonctionnement et ainsi de suite. La GnRH a été impliquée dans de nombreuses réactions immunitaires, et les études montrent – logiquement – un fort impact délétère des analogues agonistes sur plusieurs paramètres immunitaires. L'on a identifié des récepteurs GnRH dans au moins 21 tissus différents... Et il est question d'une action aussi par désensibilisation des récepteurs périphériques. Lorsqu’on prescrit un médicament, ne doit-on pas prendre en compte comment et sur quoi il agit, en plus de l'impact escompté?
· méconnaissance (ou non respect) de la durée d’administration à ne pas dépasser: six mois, et la tendance internationale est à la baisse. Des limitations sont envisagées y compris dans les cancers métastasés, précisément à cause des risques... Alors comment justifier qu'une jeune femme se voit proposer 3 ans de Décapeptyl ou d'Enantone, avec la promesse (vaine, on le sait) que l'agoniste "asséchera" son endométriose?
· méconnaissance des alternatives thérapeutiques bien moins risquées, par exemple les progestatifs dans les indications gynécologiques; méconnaissance (ou ignorance délibérée) du fait que seule la chirurgie est un traitement efficace dans l’endométriose et les fibromes ;
· ignorance du rapport bénéfices – risques, tout particulièrement dans les indications bénignes, dans lesquelles le remède risque fort d'être pire que le mal. Le principe de précaution constitutionnel et la déontologie médicale devraient pousser les médecins à estimer que la présence de risques aussi sérieux est un argument suffisant pour ne même pas envisager un tel traitement;
· ignorance du fait que ces médicaments ne sont pas contraceptifs, et qu'il faut un contraceptif non hormonal pendant toute la durée du traitement et jusqu'au retour des règles;
· ignorance du fait que les analogues agonistes agissent en deux temps, avec les spécificités de chaque phase. Des femmes se voient proposer une "add-back therapy" dès le début du traitement, ce qui augmente encore le taux d'hormones...
· ignorance de leurs effets abortifs, fœtotoxiques, malformatifs, dûment décrits dans les RCP internationaux et documentés par des études remontant au moins à 1993;
· aucune étude n'a été faite sur la fertilité des enfants traités pour puberté précoce et celle de la génération suivante. Des cliniciens estiment qu'une administration de longue durée a des effets délétères au moins partiellement irréversibles sur la fertilité, et des lésions histologiques irréversibles ont été constatées dans les testicules des rats immatures traités par Enantone (cf. monographie par l'American Hospital Formulary Service, entre autres).
· ignorance de la totale inutilité de ces traitements dans l'infertilité liée à l'endométriose;
· ignorance du fait que les études plus récentes ne confirment ni la facilitation du geste opératoire (endométriose, myomes, cancers), ni l’utilité post-opératoire, ni même la préservation du capital reproductif en cas de chimiothérapie, comme l'a montré une expérimentation animale récente... Toutes les contestations et remises en causes internationales semblent complètement ignorées en France;
· l'absence d'un minimum d'information sur les effets secondaires mène à l'absence de signalements à l'Afssaps... cercle vicieux dans lequel les médecins demandent des RCP un peu plus sérieux pour pouvoir établir un rapport entre tel symptôme et un agoniste et donc faire des signalements, et que l'Afssaps demande à son tour des signalements pour éventuellement modifier les RCP...
Ce cercle vicieux n'a pas vraiment de raison d'être, vu les RCP internationaux des mêmes produits; l'information existe (et évolue tous les jours) – elle est juste inaccessible en France, et nous sommes en droit de nous demander pourquoi. Nous avons beaucoup de questions et vous demandons des réponses sans langue de bois (puisque celle-ci n’a aucune vertu constructive et qu'elle n'évitera pas que la liste des victimes s'allonge...). Voici quelques questions:
· Pourquoi a-t-il fallu attendre huit ans pour que l’apoplexie hypophysaire figure enfin dans le RCP de l’Enantone (huit ans après son entrée dans le RCP faits par Takeda Abbott pour la FDA?).
· Pourquoi rien n'est fait pour changer ces différences énormes d'un pays à l'autre, harmoniser les notices?
. Pourquoi l'Afssaps refuse-t-elle de rendre publics les signalements déjà existants?
· Pourquoi laisse-t-on la liste des victimes s'allonger, sans même leur donner la possibilité d'être correctement soignées? Puisqu'on ne soigne bien que ce dont on (re)connaît la cause. Les effets secondaires aussi divers soient-ils ont des points communs qu'il est indispensable de connaître et qui relèvent du mode d'action et des caractéristiques de la GnRH.
02:55 Publié dans Alerter les autorités sanitaires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : enantone effets indésirables, decapeptyl effets indésirables, synarel effets indésirables, zoladex effets secondaires, endométriose exérèse, endométriose traitement, endométriose neuropathie, endométriose alerte, association victimes decapeptyl, association victimes endométriose, endométriose conflits d'intérêt, decapeptyl douleurs musculaires, enantone neuropathie, elena pasca