01/08/2008
Compendium suisse: effets secondaires de l'Enantone chez les enfants (puberté précoce centrale)
Rappelons d'abord que l’Enantone s’appelle Lucrin en Suisse, Nouvelle-Zélande et en Australie. Et qu'il s'agisse d'Enantone, de Gonapeptyl, Décapeptyl, Diphéréline, Trelstar, Prostap, Procrin, etc., tous ces médicaments sont du pareil au même. Ils composent la classe des analogues agonistes GnRH et ont tous les mêmes effets et les mêmes effets indésirables.
La notice du Compendium suisse des médicaments (équivalent de notre Vidal) décrit les effets secondaires de l'Enantone/ Lucrin chez les enfants traités pour puberté précoce centrale (c'est-à-dire une puberté intervenant AVANT l'âge de 8 ans chez les jeunes filles et de 10 ans chez les garçons). Au-delà de cet âge, la puberté est considérée comme normale, même si elle prend de court parents et enfants.
La puberté arrive de plus en plus tôt au fil des générations, pour toute une série de raisons, parmi lesquelles figurent l'exposition de l'organisme à des perturbateurs endocriniens, qui sont des substances agissant comme des hormones (pesticides, phytoestrogènes, phtalates, dioxines, etc.) et interférant avec le système endocrinien des êtres humains.
Extrait de la notice de l'Enantone/Lucrin contenue dans le Compendium suisse des médicaments :
« Du fait de l'effet stimulant naturel de l'acétate de leuproréline [nom générique de l’Enantone], les taux des gonadotrophines et des stéroïdes dépassent les valeurs basales usuelles au début du traitement. C'est pourquoi on peut observer une accentuation transitoire des signes et symptômes cliniques.
Pour le reste, les effets indésirables observés chez l'enfant sont pour l'essentiel les mêmes que ceux observés chez l'adulte lors de l'utilisation de Lucrin dans d'autres indications.
Chez l'enfant, on observe parfois en outre: des douleurs généralisées, un érythème polymorphe et une séborrhée. Des réactions locales graves au point d'injection (p. ex. abcès) peuvent survenir après une injection s.c. [sous-cutanée] comme après une injection i.m. [intramusculaire].
On a également signalé les phénomènes suivants: odeur corporelle, fièvre, infections, syncope, vasodilatation, dysphagie, gingivite, accélération de la maturité sexuelle, instabilité émotionnelle, troubles de la personnalité, épistaxis, alopécie, vergetures, douleurs mammaires, lactation, incontinence d'urine.
Généralement
On peut également observer des céphalées, des troubles du sommeil, un état dépressif, une nervosité, une fatigue, des vertiges, des nausées/vomissements, une prise de poids ou une diminution de poids, une diarrhée, une constipation, des troubles abdominaux, des paresthésies/fourmillements, des troubles visuels. On a également décrit des douleurs dorsales et des membres, une élévation ou une baisse de la pression artérielle. »
03:18 Publié dans Effets secondaires enfants/adolescents | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : enantone, lucrin, puberté précoce, douleurs, syncope, dépression, vertiges
01/06/2008
Puberté précoce: attention à l'erreur de diagnostic... Une étude clarifie les choses
Paul Kaplowitz, un endocrinologue pédiatrique d’un centre hospitalier pour enfants de Washington a publié une étude dans la revue internationale d’endocrinologie la plus réputée (JCEM : Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism), décrivant l’évaluation des 104 enfants qui lui ont été adressés pour une puberté précoce supposée…
Références et lien vers le texte complet (en anglais) à la fin. Nous présentons ici les grandes lignes pour ceux qui ne parlent pas anglais.
Les résultats sont étonnants… Parce que l’auteur explique qu’il y a une très grande diversité dans le développement des enfants, dans les taux d’hormones, et surtout qu’il peut y avoir des épisodes de croissance très rapide ou d’autres signes qui pourraient laisser penser que l’enfant en question – il s’agit de filles, la plupart du temps – sera bientôt pubère… Signes tels des poils pubiens, début de poitrine, voir même des saignements ressemblant à des règles… Or cela ne veut pas dire que ce soit une puberté précoce, que les règles soient imminentes. Parce qu’il s’agit la plupart du temps de manifestations hormonales qui s’équilibrent toutes seules au fil du temps....
Sur ces 104 enfants, 78% ( !) ont eu des diagnostics tout ce qu’il y a de plus banals : soit une accélération passagère et temporaire de la production hormonale soit alors des variantes de la normale ne nécessitant AUCUN traitement. Ou alors il s’agissait tout simplement de craintes non vérifiées des parents et des médecins qui avaient adressé des fillettes très souvent pour un début de poitrine, survenu à un âge moyen de 7 ans. Or, dans 41% des cas, c’était en fait de la graisse…
Beaucoup d’enfants n’avaient pas de poils pubiens à proprement parler, mais des poils tout court, comme ailleurs sur le corps. D’autre part, il existe des poils pubiens infantiles qui disparaissent au cours du développement. Des études récentes ont mis en évidence le fait qu’en moyenne 30% des fillettes noires et 7% des fillettes blanches ont déjà des poils pubiens à 8 - 9 ans, sans que cela soit un signe de puberté précoce, sans aucune anomalie endocrinienne, rappelle le Dr Kaplowitz.
13% des filles souffraient d’une acanthosis nigricans, une maladie caractérisée par des tâches de peau et des anomalies de l’insuline chez des enfants obèses, surtout s’ils ont la peau noire. Cette maladie peut entraîner des signes de puberté. Mais dans ce cas, la puberté n’est pas d’origine centrale (ce qui veut dire venant de l’hypothalamus, cette partie du cerveau contenant les neurones qui produisent l’hormone GnRH qui déclenche la puberté et sur laquelle agit l’Enantone). Or seule la « puberté précoce centrale » est à traiter par des analogues agonistes GnRH.
Le Dr Kaplowitz remarque qu’il n’y avait que très peu d’enfants ayant une véritable maladie endocrinienne, et ce malgré les signes trompeurs qui avaient motivé les consultations en endocrinologie… Et le résultat en dit long : sur les 104 enfants, SEULS 4% ont dû avoir recours à un traitement hormonal ou à la chirurgie (en cas de tumeurs entraînant une puberté).
La conclusion de Kaplowitz est que la plupart des consultations sont inutiles. D’ailleurs, la plupart du temps, une seule consultation a suffi. Dans la majorité des cas, il n’y a même pas besoin d’analyses ou d’examens ; il suffit d’une observation du développement de l’enfant pendant quelque temps. L’auteur note aussi qu’il faut rassurer les parents et les pédiatres.
Commentaires : Il est certain que la publicité faite par les laboratoires à des médicaments comme Enantone et Décapeptyl, présentés comme sans dangers, l’influence des financements des médecins par les laboratoires et la référence à une puberté standard qui doit arriver à tel âge – mais qui n’existe pas en fait - sont des facteurs qui contribuent directement ou indirectement à sensibiliser les parents et les pédiatres ou généralistes de bonne foi à tout signe peu habituel ou inhabituel…
Le Pr CAREL, spécialiste français de la puberté précoce, est financé en continu – lui et son équipe – par les laboratoires qui produisent Enantone (Takeda) et Décapeptyl (Ipsen), en plus de ce qu’il reçoit pour des activités ponctuelles de la part des mêmes firmes et de la part de 7 ou 8 autres fabricants d’hormones. Ces « détails » figurent dans sa déclaration publique d’intérêts financiers sur le site de l’Agence de sécurité sanitaire (AFSSAPS).
Références de l’étude :
Paul Kaplowitz, J Clin Endocrinol Metab. 2004 Aug;89(8):3644-50
Clinical Characteristics of 104 Children Referred for Evaluation of Precocious Puberty.
Résumé:
“The charts of all children referred to the author for evaluation of signs of early puberty between October 1999 and October 2002 were reviewed. Criteria were developed to assign patients to one of seven diagnostic categories based on age, growth, and clinical findings, and differences from the population mean for height and percentage of ideal body weight in the different groups were determined.
Most of the patients referred (87%) were female, and the two most common diagnoses made were premature adrenarche (46%) and premature thelarche (18%). Only 9% (all girls) were thought to have true precocious puberty. Two conditions not well described in the literature, pubic hair of infancy and premature menses, were found in 8 and 5%, respectively. Patients with premature adrenarche were significantly taller and more overweight than the general population; a subgroup had evidence of accelerated growth and bone maturation but no worrisome endocrine findings. Acanthosis nigricans was found in 13% of the girls in this study, but the incidence of true endocrine pathology was very low.
The majority of children being referred for precocious puberty have benign normal variants, with a very low incidence of endocrine pathology. Most girls presenting with minimal breast or pubic hair development and normal growth velocity may be managed with observation and without a full endocrine evaluation. “
Commentaires sur le contexte médico-pharmaceutique qui pousse aux traitements par analogues agonistes GnRH (Enantone, Décapeptyl), dès qu’il y a la moindre différence par rapport à la « normalité » ambiante.
Cette tendance à considérer toute variante qui dévie des normes standard comme pathologique s’inscrit dans le contexte plus large d’une industrie pharmaceutique qui cherche à médicaliser tous les aspects de la vie pour augmenter son chiffre d’affaires…
Pour l’analogie, tout enfant qui bouge beaucoup, est curieux, etc. est à risque de nos jours d’être diagnostiqué comme souffrant d’hyperactivité… Aux Etats-Unis, il y a un pourcentage spectaculaire d’enfants – surtout pauvres et issus des minorités ethniques, curieusement… - qui sont mis pratiquement de force sous Ritaline et / ou antidépresseurs/ tranquillisants / antipsychotiques… pour des maladies supposées… La plupart du temps, ce sont les enseignants débordés dans les écoles publiques qui sont excédés et poussent au traitement. Il existe même un plan de dépistage des maladies mentales chez des enfants, sous forme de QCM à remplis à l’école, sans les parents, sans un médecin. Ca s’appelle TeenScreen, grande victoire de l’industrie pharmaceutique, et surtout d’une firme texane copine de la famille de Bush…
Et c’est ce qui a inspiré Sarkozy dans le projet de fichage des enfants : dépister des troubles du comportement dès l’âge de 3 ans… Conséquence : les ventes de l’industrie pharmaceutique explosent, on médicalise chaque aspect de la vie et on se retrouve avec un traitement dès qu’il y a le moindre écart par rapport à la moyenne
Ca paraît horrible et trop exagéré ? Il suffit de faire une recherche dans les revues médicales et les sites médicaux indépendants de l’industrie pharmaceutique. Le site Pharmacritique offre plein d’illustrations de ce phénomène de « médicalisation infinie », pour le grand bonheur de l’industrie pharmaceutiques et des médecins qu’elle paie pour préparer l’opinion publique à accepter qu’il faut tout traiter…08:54 Publié dans Puberté précoce | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : puberté précoce, enantone, décapeptyl, traitement, analogues agonistes gnrh