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07/01/2008

III. Lettre aux autorités sanitaires: effets secondaires d'Enantone et Cie

(Troisième et dernière partie de la lettre envoyée par l'Association Victimes Enantone - agonistes GnRH aux autorités sanitaires: Pr Laurent DEGOS (HAS) et Pr Jacques CARON (AFSSAPS)). 

Les pharmacovigilances française et européenne agissent-elles vraiment?

L'autre versant de l'état scandaleux de la pharmacovigilance est l'absence d'harmonisation entre les divers RCP qui diffèrent d'un produit à l'autre, alors qu'il s'agit d'effets de classe. Il est étonnant de voir que les agonistes les plus prescrits (Enantone, Décapeptyl) ont des RCP bien plus pauvres que le Synarel ou le Zoladex... Ces derniers mentionnent les adénomes hypophysaires, par exemple.

Etonnant aussi de voir que certains effets secondaires, tels les myalgies, figurent dans les RCP de l'Enantone 3,75 mg, mais pas dans ceux de l'Enantone 11,25mg...

Il n'y a pas non plus d'harmonisation entre les RCP des différents pays européens. Comparez les RCP britanniques, allemands, espagnols... Pourquoi l'EMEA existe-t-elle? Pour les belles phrases des « workshops » censés diffuser l'information et éduquer à une meilleure prise en compte des effets secondaires? Ateliers de travail auxquels participent aussi des représentants de l'Afssaps. On aimerait voir quelques effets concrets.

Je reviens sur le scandale consistant à ne pas vouloir prendre en compte des informations médicales extra-européennes, ce qui nous mène tout droit à reproduire des catastrophes telles celle du Vioxx ou de l'hormone de croissance contaminée, où la France a réagi des années après les pays anglo-saxons. C'est pour le moins hypocrite d'adopter presque automatiquement tout médicament une fois qu'il a été approuvé par la FDA, mais d'ignorer les alertes de sécurité de cette même FDA. Nous avons un de leurs fichiers contenant les signalements des effets secondaires de l'Enantone (Lupron) sur plusieurs années, et nous attendons la même transparence de la part de l'Afssaps.

Transparence nécessaire, parce qu'en tant que patients, nous devons donner un consentement éclairé à toute démarche de soins, et que les médecins doivent nous proposer les traitements les moins nuisibles, en fonction de la devise « Primum non nocere ». Ce pourquoi médecins et patients doivent choisir en connaissance de cause...

Déni des laboratoires: désinformation organisée

Les effets secondaires des agonistes ne dépasseraient pas ceux d'une ménopause naturelle ou alors d'une castration chirurgicale, dit-on en France, en reprenant sans aucune distance critique l'argumentation que les laboratoires ont taillée sur mesure pour les besoins de quelques pays qui ne protègent pas les usagers de leur système de santé. Quand est-ce que les laboratoires mentent? Quand ils décrivent toute une série d'effets secondaires y compris gravissimes dans les RCP aux USA, Canada... et jusqu'à la Nouvelle-Zélande, en passant par la Suisse, ou alors quand ils disent en France que leurs molécules sont tout ce qu'il y a de plus inoffensif?

A chaque fois qu'une victime appelle un laboratoire, elle se voit répondre qu'ils n'ont jamais entendu parler de tel effet secondaire... Nous avons fait le test, signalant la même chose à un jour de distance, puis plus tard; on nous a assurés à chaque fois que tel problème ne pouvait pas avoir de rapport avec tel agoniste, que le laboratoire en question n'en avait jamais entendu parler, que notre « signalement » allait quand même être noté et pris en compte... et que les informations du Vidal étaient dignes de foi...

Il nous semble que le Vidal reste une société privée financée par les laboratoires qui y disent exactement ce qu'ils veulent, sans aucun contrôle ni aucun contre-pouvoir. Si cet état de fait ne pose aucun problème éthique aux autorités sanitaires, il faudrait qu’elles reconnaissent publiquement leur impuissance, qu’elles disent donc que la santé publique est à la discrétion des intérêts financiers des laboratoires, que l’Etat n’a pas son mot à dire. Ce serait plus honnête, parce que cela pousserait médecins et patients à chercher des sources d’information plus fiables.

Nouveaux signalements et médecins qui nous soutiennent

D'autre part, sachez que plusieurs médecins travaillent actuellement – sans aucune aide de la part des autorités sanitaires... – sur les effets secondaires, et que des signalements nouveaux seront faits en juillet puis à la rentrée. Signalements portant sur des effets secondaires graves et de longue durée. Entre autres, le Pr A. s'occupe de plusieurs victimes. Le Dr T. et plusieurs autres médecins également. D'autres attendent d'avoir une « série » pour en parler. C'est une façon de vous dire que le mouvement est engagé, qu'il ne retombera pas et qu'il faut donc trouver une solution.

L'association continuera elle aussi à informer, faire de la prévention et défendre les droits de victimes, approfondir les contacts avec les associations et groupe internationaux de victimes – et une simple recherche Internet vous montrera qu'il y a énormément de victimes de par le monde. Un jour, la FDA retirera probablement l’AMM dans les indications bénignes, et la France s’adaptera, des années plus tard... Ne pourrait-on pas, pour une fois, faire un peu mieux? Après tout, on demande tout simplement que la pharmacovigilance fasse son travail, pour le dire un peu abruptement.

Nous demandons:

·          une information digne de ce nom sur les effets secondaires, incluant l'harmonisation des RCP et la prise en compte des données médicales y compris extra-européennes;

·          une information claire et préventive sur les effets malformatifs, fœtotoxiques comme sur la carcinogenèse (cf. les RCP internationaux, les monographies et signalements. Sur ce point aussi, le Vidal se trompe et / ou nous trompe) ;

·          la publication des signalements en possession de l'Afssaps ;

·          l'émission par cette même Afssaps d'une alerte de sécurité en accès public; 

.          la reconnaissance des droits des victimes;

·          la restriction de la prescription à des cas de cancer métastasé / avancé, en fonction du rapport bénéfices – risques soigneusement pesé au cas par cas ;

·          la mise en place d'un suivi étroit pour les patients ayant un cancer hormonodépendant, en fonction des risques spécifiques ;

·          l'évaluation approfondie de la prescription en puberté précoce, puisqu'on prescrit massivement les agonistes à des enfants qui ont dépassé de loin la limite d'âge, en agitant à tout va le spectre de la petite taille et en oubliant d'informer sur les résultats très inconstants et sur les effets secondaires. Ceux-ci incluent – comme chez les adultes – la fracture vertébrale suivie de paralysie, l'apoplexie hypophysaire, les douleurs généralisées, les divers troubles endocriniens, neurologiques et neuromusculaires dont le Vidal ne fait aucune mention ;

·          enfin, le retrait pur et simple de l'AMM dans les indications gynécologiques bénignes telles l'endométriose et les myomes. (Au cas d'un très hypothétique besoin absolu de traitement hormonal, les progestatifs ont exactement les mêmes effets, sans les mêmes risques, avec un prix infiniment moindre et une durée de prescription bien plus longue. Même les Recommandations de bonne pratique de l'Afssaps codifiant la prise en charge de l'endométriose reconnaissent l'égale (in)efficacité de ces deux classes de médicaments).

Tous ces rappels sont loin d'épuiser le sujet. Ils se basent sur des données médicales, puisque nous avons dû constituer par nous-mêmes une base de données qui soit un peu plus proche de la vérité. Nous en avons aussi beaucoup discuté avec les médecins qui ont ouvert les yeux sur ces risques ; un réseau s’organise peu à peu, et l’information passera de mieux en mieux, à la fois pour la prévention et pour soigner au mieux les victimes. Comme vous pouvez le constater, la question est extrêmement épineuse et la documentation est immense. Il nous est impossible de concentrer cela en une seule lettre. Je réitère donc ma demande de rendez-vous.

Je vous remercie de votre attention et espère sincèrement que cette lettre n’échouera pas dans un tiroir. En attendant de vous rencontrer, veuillez recevoir, Monsieur le Professeur, mes salutations  respectueuses.

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